Au terme de la réunion des ministres sur l’agglomération marseillaise qui s’est tenue le 6 septembre à Matignon, la décision de régler la question institutionnelle de la métropole a fait mention d’un renforcement du rôle de l’État, afin d’accélérer la mutation du port de Marseille et conforter son rôle économique. La cité phocéenne doit redevenir un lieu où coexistent le port et la ville. Tel est l’objectif de la charte ville-port.
Faire en sorte que le port de commerce et la ville se parlent pour impulser un développement concerté. Cette ambition, longtemps affichée mais jamais suivie d’effets du temps où l’établissement public portuaire se nommait Port autonome, devrait trouver un épilogue favorable le 10 décembre. C’est en effet ce jour que le premier adjoint Roland Blum, présentera au conseil municipal la charte ville-port que le conseil de surveillance du Grand port maritime de Marseille (GPMM), a pour sa part signée en septembre dernier.
Le premier pose un constat :
les bassins de Marseille, souvent perçus tel « un corps étranger par certains des édiles » et malmené par les conflits sociaux, se sont affaiblis. Mais la réforme portuaire se concrétisant et le projet Euroméditerranée se poursuivant, une opportunité se présente d’inverser la tendance en préservant « une vocation industrielle ». Mais pour cela, Port et Ville ne peuvent plus évoluer sans rien voir de l’autre. D’où le projet ville-port qui précise des objectifs de développement et propose « une vision d’avenir partagée ». Des mots qui traduisent une nécessité de se parler, de coopérer, sur laquelle la Communauté urbaine et le Conseil général des Bouches-du-Rhône auront également à se prononcer. Ainsi que d’autres collectivités.
Bref, chacun « à sa place et dans ses prérogatives », est appelé « à contribuer dans un esprit de réalisation collective », à de grands chantiers. Pour cela, le rapport Cousquer propose donc une méthode. Ce faisant, le projet d’une charte, longuement négocié entre les parties prenantes, est un enjeu majeur. Pour le GPMM qui veut rompre avec l’image d’un port vide en créant de l’activité et des emplois. Pour la ville qui construit son nouveau visage et pour qui le port reste un poumon économique.
Marseille doit redevenir une ville maritime. Un territoire où coexistent le port et la cité, avec même, « des porosités urbaines et fonctionnelles entre les deux ». Bref, faire en sorte qu’il n’y ait plus de grilles partout, mais que les Marseillais puissent voir leur port et que celui-ci puisse apporter des richesses à sa ville.
Cet objectif appelé à devenir réalité, repose sur trois séquences. Au sud, là ou sont les Docks, le Silo et les futures Terrasses du port, « la vitrine du rayonnement portuaire urbain ». Au centre, c’est-à-dire en remontant de la Joliette au-delà de la tour CMA CGM, « le port industriel tourné vers la Méditerranée ». Là sera le coeur du trafic marchandises. C’est aussi là, en allant vers le nord, que renaît la réparation navale, portée par les escales des grands navires de croisière.
Au nord enfin, au-delà de la forme 10 et face à l’Estaque, la plaisance et le tourisme. Tels sont, dans les grandes lignes, les ingrédients que ce que le rapport Cousquer a nommé « un processus de renouveau ».
Actuellement, les départs pour la Corse se font près de la Joliette et au Cap Janet. Il en va de même pour le trafic passager sur le Maghreb. Une répartition certes imposée par les chantiers en cours, mais aussi et surtout par l’augmentation de la taille des navires. Une tendance appelée à se renforcer et que connaît déjà le monde de la croisière. Pour la Corse, où le renouvellement de la flotte de la SNCM est envisagé, le rapport Cousquer évoque des postes à quais d’une capacité supérieure à 200 mètres. Ce que ne permettent pas aujourd’hui les bassins d’Arenc. D’où la préconisation, entre 2014 et 2016, d’accentuer les reports sur le Cap Janet, par ailleurs plus facile à sécuriser pour le trafic international. Cela nécessitera aussi d’améliorer les dessertes et les modes de transport. Vaste chantier.
Entre le terre-plein du môle J4, où le Mucem achève sa construction, et Arenc , où s’élève la tour CMA CGM et où doit sortir de terre le projet Quai d’Arenc du groupe Constructa, sont appelés à se bâtir de nouveaux espaces publics. C’est donc là que les porosités vont s’étoffer et que le nouveau visage de la ville-port va forcir ses traits. Place de la Joliette étendue, démolition de l’actuel siège social du GPMM, réouverture au public d’une partie de la digue du large rendue accessible par navettes, espaces plus verdoyants : tout est à faire.
Espace dédié à la Méditerranée, les bassins Est ont besoin d’une assise logistique. La ville aussi, d’ailleurs, qui a besoin d’approvisionner ses commerces. D’où la recommandation du rapport Cousquer de consacrer des hectares supplémentaires à cette activité. Au coeur de ce pôle, le projet d’un terminal de transport combiné à Mourepiane. Le groupement chargé de l’exploiter a été retenu et sa réalisation libérera les espaces du Canet, lesquels intégreront Euroméditerranée. Le projet qui est en cours de finalisation, permettra aussi de concentrer en un seul lieu des flux de conteneurs et de faire en sorte qu’ils soient acheminés par rail, plutôt que par la route, comme c’est essentiellement le cas actuellement.
Le rapport Cousquer évoque pour ce territoire au pied de la chaîne de la Nerthe, l’éclosion d’un pôle d’attraction pour la plaisance et le tourisme. Requalification des eaux de l’Estaque, maison de la mer, extension des plages de Corbières, centre aquatique : des opérations de désenclavement vont aussi être nécessaires.
Pour tous ces projets, il reste à arrêter les traits définitifs et surtout les financements qui parfois devront être partagés. Ainsi le suppose la charte ville-port.
[via] Jean-Luc Crozel, laprovence.com