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Marseille : les nouveaux rois du textile

La communauté chinoise s’est imposée rue Tapis Vert. Compétitivité ou concurrence déloyale ? à la rue Tapis Vert, la mondialisation n’est pas un concept abstrait mais une réalité que l’on peut toucher du doigt.

Depuis 2005, ce centre de gravité du commerce du textile a été littéralement investi par la communauté chinoise. Date à laquelle l’Union européenne a mis fin à ses quotas d’importation sur les produits textiles avec la Chine.

« Ils sont arrivés d’un seul coup sur le marché marseillais, ont cassé les prix et racheté plus des deux tiers des enseignes », accuse un des quelques commerçants « historiques » de la rue Tapis Vert. À quelques encablures de la Canebière, coincée entre le cours Belsunce et le cours Lieutaud, la rue Tapis Vert abrite 71 grossistes en textile et habillement qui fournissent tout le sud de la France.

Près des deux tiers des enseignes y sont désormais tenues par des Chinois majoritairement originaires de la province de Zhejiang, dont Whenzhou et Shanghai sont les villes principales. Parmi eux, Shen, un étudiant en master d’affaires culturelles arrivé en France il y a deux ans. « Beaucoup d’étudiants chinois viennent travailler ici pour payer leurs études. Beaucoup de patrons ne parlent pas français, on fait la traduction », explique-t-il.

Les commerçants « historiques », juifs et arméniens, importent traditionnellement leur marchandise depuis Paris, au nom de la qualité. Face à cette nouvelle concurrence asiatique, certains ont finalement décidé de s’approvisionner directement en Chine. « Malgré ça, je ne m’y retrouve pas. Ils ne font pas de factures, font travailler les vendeurs au noir, ne payent pas de droits de douanes. Résultat, entre leurs prix et les miens, le rapport est de un à trois », se lamente Andrée Franchitti, la gérante du Soleil Bleu, une boutique d’accessoires de prêt-à-porter. « Pourquoi je suis submergée par les contrôles et les inspections et eux ne sont pas dérangés ? », s’insurge-t-elle. Réponse de Patrice Vernet, directeur des douanes de Marseille : « Nous n’avons pas reçu de plaintes particulières concernant ce secteur. En l’absence de soupçons, ça n’est pas dans nos priorités d’aller fouiller dans leurs boutiques. »

Souvent, les vendeurs asiatiques importent leurs marchandises en cargo depuis la Chine via l’Italie. À Naples, les produits seraient étiquetés « made in Italy » pour éviter de payer les droits de douanes, accusent les commerçants. « Si la fraude a lieu en Italie, c’est aux autorités de ce pays de s’en occuper », se défend Patrice Vernet.

Chez les autorités policières, le discours se veut aussi rassurant. « À notre connaissance, il n’y a pas de problème spécifique dans cette rue, ni de triade chinoise en activité. Quant au travail dissimulé, c’est un problème général à Marseille », argumente-t-on à la sûreté départementale. Alors fantasme ou réalité ? Toujours est-il que le malheur des uns fait le bonheur des autres. « Sans les Chinois, on ne pourrait plus vivre », tempère un forain venu de Montpellier faire le plein de prêt-à-porter féminin. « Ce sont les consommateurs qui ne veulent plus dépenser pour s’habiller. Ils n’ont fait que répondre à la demande. »

[via] Xavier Bonnardel, laprovence.com